TBT : "LOI N°24-61 DU 12 MAI 1961 INSTITUANT LA PEINE DE L’INDIGNITÉ NATIONALE"
12 mai 1961...Le feu président Léon Mba promulguait une loi tout à fait singulière : "La loi instituant la peine de l’indignité nationale".
En effet, pouvait être frappé d’indignité nationale :
Toute personne ayant fait l’objet d’une mesure d’internement administratif
ou quelqu’un dont le comportement constitue une menace grave pour l’ordre public, la pérennité des institutions républicaines, ou l’intégrité du territoire.
Les conséquences d’une telle mesure était :
Privation des droits civiques de vote, d’élection et d’éligibilité
Privation des droits civils familiaux
Vote et suffrage dans les délibérations de famille
Tuteur ou curateur (si ce n’est pour ses propres enfants et sur l’avis conforme de la famille)
Incapacité, déchéance ou exclusion de toutes fonctions publiques, mandat électif, et de tous les offices ministériels
Interdiction d’exercer la profession d’avocat, ni d’être jurés ou expert, ni témoigner en justice
Interdiction de servir dans les armées nationales, ni de porter des décorations, ni de posséder un permis de port d’arme
Interdiction de tenir une école ou d’enseigner
Interdiction d’être membre du CA d’une société, ni participer à une activité dans un syndicat professionnel
En somme, interdiction d’avoir une vie [normale] ?
On se calme ! cette ******* n’est pas une spécialité gabonaise. En matière de loi, il faut se le dire, nous n’avons quasiment rien inventé, et une fois de plus nous n’avons fait que copier notre ancien colonisateur. En effet, en France, l’indignité nationale avait été historiquement instituée en 1944 afin de réprimer et « d’éloigner des postes de commandement et d’influence » les Français ayant collaboré avec l’occupant allemand.
En copiant-collant ce principe, les décisionnaires de l’époque, en l’occurrence Léon Mba le président qui prônait un régime hyper présidentialiste, a souhaité entériner l’idée selon laquelle tout Gabonais coupable d’antinationalisme caractérisé doit être considéré comme un « sous-citoyen , dont les droits doivent être restreints, pour mieux être mis au ban de la société.
Combien de personnes furent déclarées indignes ? Aucun chiffre officiel, mais à titre d’illustration:
Selon l’œuvre « Le Gabon malgré lui » de Guy Rossatanga-Rignault (Editions KARTHALA - nov. 2005), en 1963 lorsque les députés refusèrent de voter le projet de budget, le président de l’association des anciens combattants, Gaubert Obiang, et plusieurs autres de ses acolytes furent arrêtés, frappés d’indignité nationale, et assignés à résidence pour des périodes allant de 1 à 20 ans (Voir également BQAGI, N°297 du 27 décembre 1963) ;
Paul-Marie Indjendjet Gondjout, premier président de l’Assemblée nationale, fut arrêté dans la nuit du 16 au 17 novembre 1960, emprisonné, frappé d’indignité nationale, et libéré de cette peine le 9 février 1963 à l’occasion de l’anniversaire du traité signé entre le roi Denis et les Français (Source : Démocraties ambiguës en Afrique centrale: Congo-Brazzaville, Gabon, 1940-1965, de Florence Bernault) ;
Au sortie du coup d’état du 18 février 1964, plusieurs haut dignitaires furent également frappés d'indignité nationale (Source : La transmission de l’État colonial au Gabon 1946-1966, Institutions, élites et crises - Editions KARTHALA).
Mais en définitive, le plus important est néanmoins la réponse à cette question : La loi sur l’indignité nationale est-elle toujours en vigueur en République Gabonaise ?